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XII

OÙ CLÉOPHAS JOUE DE MALHEUR.


Bénoni qui était dans la cuisine, en entendant le cri d’Ursule suivi du coup de revolver, s’élança dans le passage obscur. Son amante s’était affaissée sur le plancher près des porte-manteaux et elle criait :

« À moi ! à mon secours ! au meurtre ! on vient de me tirer ! »

Bénoni prit une allumette dans sa poche et alluma une lampe qui était suspendue dans le passage.

À la lueur indécise de la lampe dont la mèche avait été mal trimmée il vit la pauvre jeune fille qui gigotait et criait devant la porte du salon.

Il lui prit la main et lui demanda où elle était blessée et qui était son assassin ?

Elle dit : c’est dans le dos ! c’est Cléophas !

Bénoni fit un bond d’enragé en grinçant des dents.

Il sortit de la maison pour se mettre à la poursuite de l’assassin.

Mais il était trop tard.

À la clarté de la lune dont le disque d’argent brillait cette nuit-là d’un éclat extraordinaire, il put voir une forme humaine traversant la rivière sur le bôme ancré aux deux rives pour retenir les billots destinés au moulin à scie.

Le meurtrier en quelques secondes fut rendu de l’autre côté et disparut dans l’ombre épaisse projetée par la double rangée d’arbres qui bordait la rue principale de St-Jérôme et y formait un pittoresque tunnel de verdure.

Bénoni lâcha les plus gros jurons de son répertoire et rentra dans la maison afin de donner à Ursule les premiers soins.

La pauvre servante s’était relevée et s’était assise sur une chaise dans la salle à dîner.

Ses nerfs paraissaient dégrafés, ses yeux étaient égarouillés et une pâleur mortelle lôfait sur sa figure.

Bénoni prit les mains d’Ursule et les pressa dans les siennes.

Il lui dit :

— Où souffres-tu, ma belle ?

— Dans le reinquier, mon cher.

— Attends une minute, je vais aller à la cuisine pour de l’eau. Bénoni sortit de l’appartement et revint quelques instants après