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M. Caraquette était peu communicatif avec les habitués de l’hôtel et ses mouvements étaient réguliers comme ceux d’une horloge.

Le matin et l’après-midi il s’absentait de l’hôtel pendant une heure qu’il consacrait à la promenade ou à ses affaires privées.

Le soir il s’enfermait dans sa chambre où l’on voyait le gaz brûler jusqu’à une heure avancée de la nuit.

Après sa déconvenue chez le comte de Bouctouche, M. Caraquette entra dans son appartement contrairement à son habitude, il n’en sortit pas pour faire sa promenade de l’après-midi.

En entrant il avait lancé son chapeau de castor gris sur une table au risque de le bosser et plaçant ses pouces dans les échancrures de son gilet, il se promena dans sa chambre, les regards levés au plafond comme s’il eût cherché une inspiration d’en haut.

Tout à coup il s’arrêta et baissa la tête en plaçant l’index de la main droite en forme de crochet sur l’arcade de son nez.

Il eut l’air de s’arrêter à une idée.

Il ouvrit une de ses malles et en sortit une boîte de ferblanc fermée avec un cadenas à secret.

Il ouvrit la boîte de ferblanc et en tira une liasse de papiers qu’il jeta sur la table.

Il trouva dans la liasse une lettre portant, dans la cire noire avec laquelle elle était cachetée, le sceau armorié de M. de St-Simon.

Le cachet n’avait pas été rompu.

La lettre était adressée à M. Caraquette.

Au-dessus de l’adresse, on lisait en encre rouge les mots suivants :

Cette lettre ne devra être ouverte que dans le cas où le vicomte de Bouctouche serait mort ou in articulo mortis.

M. Caraquette brisa le cachet et sortit la lettre de l’enveloppe.

L’épître se lisait comme suit :


« Cher ami,

« J’ai un secret d’une haute importance à te communiquer. Il importe que tu le saches afin que tu exécutes scrupuleusement mes dernières volontés contenues dans mon testament. Ce secret, pour des raisons que tu pourras apprécier ne pouvait être divulgué dans l’acte testamentaire. Si je t’ai donné instruction d’être présent à l’inscription du décès de mon petit-fils sur les registres de l’état civil, c’est que j’ai craint que son père ne lui substituât un autre enfant afin de rester avec la jouissance de ma fortune. Je tiens à ce que tu constates personnellement l’identité du défunt. Mon secret est le signe à l’aide duquel tu reconnaîtras mon héritier, le véritable vicomte de Bouctouche. En 1874