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salon les globes immenses qui se dressaient dans les cadres d’or sculptés dans tous les coins de l’appartement, les crédences recouvertes des vases les plus riches de la Chine et du Japon, les lustres aux cristaux étincelants, les poufs, les divans en brocatelle vert et or, des chefs-d’œuvre d’ébénisterie en laque et en bois de rose. D’épais rideaux en reps qui masquaient les fenêtres, laissant pénétrer dans l’appartement un demi-jour voluptueux, et les plantes exotiques rangées sur une jardinière imprégnaient l’atmosphère des parfums les plus pénétrants.

Le comte de Bouctouche après cinq ou six minutes fit son entrée dans le salon et salua son visiteur d’une légère inclination de la tête.

Le comte, au premier coup d’œil, n’avait pas reconnu son visiteur. S’avançant près de la fenêtre il écarta un des rideaux. La lumière qui envahit le salon lui permit de distinguer clairement les traits de l’inconnu.

Le comte en le voyant se troubla.

— Comment ! s’écria-t-il, vous ici ! Vous, monsieur Caraquette, que je croyais au Nouveau-Brunswick.

— C’est moi-même en personne, dit l’homme au chapeau de castor gris. Ma visite vous dérange peut-être ?

— Au contraire, monsieur Caraquette, rien ne me fait plus de plaisir de vous rencontrer aujourd’hui à Montréal.

— Monsieur le comte, il a fallu des affaires de la plus haute importance pour m’obliger à faire un voyage aussi long, pendant la saison où je suis le plus occupé.

— Où voulez-vous en venir ?

— Prenez patience, monsieur le comte, j’aime les situations nettement définies ; il y a trois ans, mon ami, monsieur de Saint-Simon, un des armateurs les plus riches des Îles de Saint-Pierre et Miquelon me nommait son exécuteur testamentaire. Il laissait une fortune de deux millions de dollars en or déposée dans les banques, plus la dernière cargaison de diamants qu’il avait tirés de ses mines au Brésil.

Vous avez épousée, dix-huit mois avant la mort de M. St-Simon, sa nièce, Mlle Malpecque, avec l’espérance d’hériter un jour d’une des fortunes les plus considérables de l’Amérique. Lecture vous a été faite des différentes clauses du testament de feu M. St-Simon. Ses biens mobiliers et immobiliers, ont été légués par substitution au jeune vicomte de Bouctouche, âgé de trois mois, à la mort de son grand oncle.

Advenant la mort du vicomte sans héritiers, la fortune tout entière doit retourner au marquis de Malpecque ou à ses collatéraux. Lorsque vous avez quitté la Baie des Chaleurs, j’ai cru remarquer que la santé de votre fils s’affaiblissait. Le médecin de l’endroit m’a dit qu’il