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En même temps il désignait l’endroit de la ruelle le plus propice pour le combat.

— Ce sera « fair play », dit Bénoni.

— C’est correct, reprit Cléophas en se débarrassant de sa bougrine qu’il jeta sur la terre avec sa veste et sa cravate.

Il serra d’un cran la strap qui retenait son pantalon, retroussa ses manches de chemise et commença à sparrer.

Bénoni fit la même chose.

La lutte était commencée. Bénoni et Cléophas paraissaient d’égale force.

À l’accès de colère que la jalousie avait donné à Cléophas, au moment de la provocation, avait succédé une rage froide et concentrée. Pour Bénoni, on peut dire qu’il était dans son beau. Calme, ferme, brave sans bravade, sa grâce adolescente rayonnait de la fierté mâle du péril et du courage.

Mais Cléophas était souple, fougueux, téméraire, impossible à esquiver par l’audace et l’imprévu de ses mouvements.

C’était un rare et poignant spectacle de voir la tranquillité et l’aisance de Bénoni devant la vivacité et l’emportement de son adversaire.



La rencontre était assurément émouvante.

Bénoni, lui, ne pouvait se retenir de parler et de rire. En même temps qu’il opposait une sécurité dédaigneuse aux furieuses attaques de Cléophas, il ne manquait pas une occasion de raillerie et un sarcasme accompagnait chaque parade.

— Gare à ton fouillon !

— Bon ! tu as tapé ton claret.

En effet, Bénoni venait de recevoir une poque formidable sur son appendice nasal, et son sang coulait en longs ruisseaux sur son devant de chemise.