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Le délire compliquait le mal et des accidents nerveux l’aggravaient.

Ursule semblait avoir perdu le sentiment de ce qui se passait autour d’elle.

Des paroles sans suite, des mots entrecoupés s’échappaient de sa bouche ; des gestes convulsifs attestaient la violence de la lutte et les efforts de sa riche constitution.

Ursule en ouvrant ses yeux égarouillés n’avait pas reconnu Cléophas qui se tenait à son chevet dans l’attitude du plus profond désespoir.

Ursule sommeilla pendant une demi-heure.

En se réveillant ses dents s’entrechoquaient et des flots de sueur inondèrent les rugosités de son visage.

Son délire était fini.

Ses yeux rencontrèrent ceux de son sauveur.

Elle poussa un soupir et s’exclama :

Chère belle gueule ! Est-ce toi ! Toi, Cléophas, tu es mon sauveur !

— Oui, Ursule, c’est moi. Moi, Cléophas que tu as accablé par tes mépris.

— Pardonne-moi tout ce que je t’ai fait souffrir. Maintenant, veux-tu mon cœur ? Il est à toi.

Cléophas prit la main ratatinée de la picotée dans les siennes. Suffoqué par l’émotion, la constriction qu’il éprouvait dans le larynx, ne lui permit pas d’articuler une parole.

Ursule se leva et alla se regarder dans un miroir placé au fond de l’appartement.

Cléophas se leva, toussa et essuya avec son mouchoir les sueurs qui perlaient sur son front.

Il allait s’approcher d’Ursule, lorsqu’il entendit du train à la porte.

Quelqu’un venait de clancher. Le docteur alla ouvrir.

Le père Sansfaçon et Bénoni entrèrent dans le bureau du docteur.

Le vieux charcutier, excité par de nombreuses libations et par le malheur qui lui était arrivé, s’approcha d’Ursule et lui dit :

— Tiens ! te voilà ici ? Sais-tu que je te cherche depuis une heure ? Arrive, et viens-t’en.

— Poupa, dit Ursule. Fâche-toi donc pas comme ça. Je t’introduirai Monsieur Cléophas, mon sauveur.

— Oui, dit le docteur, si votre fille est encore en vie aujourd’hui,