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La chambre à coucher des nouveaux mariés devait être celle du père Sansfaçon. Le bonhomme et la bonne femme devaient coucher pendant quelques jours dans le banc-lit de la salle à dîner.

Après le souper qui fut gai comme le déjeuner et le dîner, Bénoni tira quelques touches d’un excellent cigare de cinq cents et expliqua à sa belle-mère ses projets d’avenir.

Il devait prendre une licence de cocher et s’acheter un attelage double. Il avait trouvé de son goût une jolie petite maison sur la rue Plessis, avec remise et écurie. Il se proposait de rouler la plus belle voiture de la stand de la Place d’Armes.

À neuf heures la bonne femme Sansfaçon qui avait passé la nuit blanche la veille baillait à se décrocher la mâchoire. Le vieux qui s’était un peu piqué le nez pendant le voyage roupillait dans une chaise berçante.

Bénoni fit observer à sa femme que l’heure était avancée et qu’il fallait songer à se coucher.

Ursule qui était assise sur les genoux de son époux, la tête appuyée sur son épaule, poussa un soupir et leva un regard langoureux sur les yeux de son bien-aimé.

Elle lui pressa la main délicatement et dit :

— Chère belle gueule, attends un petit brin.

Bénoni se leva et passa le bras autour de la taille d’Ursule et l’entraîna dans l’embrasure d’une fenêtre s’ouvrant sur la rue.

Le ciel était serein et la lune brillait au firmament avec un éclat extraordinaire.

Le marié indiqua du doigt l’astre des nuits et dit à Ursule :

— Regarde donc un peu comme elle brille cette nuit, c’est notre lune de miel qui est dans son premier quartier.

Ursule, qui mâchouillait sa gomme dans une muette contemplation de son époux, passa ses doigts mignons dans les frisettes huileuses de Bénoni et lui dit :

— Tu m’aimes, n’est-ce pas, mon chou à moi toute seule ?

— Tu me demandes si je t’aime, cher ange de mon cœur. Mais je t’adore à en perdre la raison. Regarde le ciel, il semble sourire à nos amours. Toi, m’aimes-tu toujours ?

— Bénoni, soupira la jeune mariée en laissant tomber avec grâce sa tête sur l’épaule de son mari, Bénoni, c’est pour la vie.

Bénoni pressa Ursule sur son cœur et resta pendant quelques instants dans un ravissement béat.

Après cinq ou six minutes il sortit de son extase et dit à Ursule :