Page:Berthelot - Les mystères de Montréal, 1898.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132

Caraquette était un parfait notaire et comme tel il n’était pas beaucoup accessible aux sentiments tendres. Jamais il n’avait songé à débiter des madrigaux à la dame qui était confiée à sa protection et il ne se montrait pas jaloux des visiteurs de la comtesse.

Le jeune homme qui était dans le salon était modeste dans sa toilette. Il n’y avait rien d’empesé dans ses manières et sa conversation dénotait qu’il avait reçu une assez bonne éducation. Pour un observateur minutieux il était facile de voir qu’il n’avait pas le Pérou dans ses poches, mais un vernis aristocratique couvrait la moindre de ses actions.

Il avait été présenté à la comtesse sous le nom d’Alphonse Briquet. Il recevait tous les mois des provinces d’en bas, un mandat de trente piastres et il vivait avec une stricte économie dans une maison de pension en face de la résidence de la comtesse.

La connaissance s’était faite par un de ces accidents ordinaires dans la vie d’un jeune homme.

La comtesse en entrant chez elle, une dizaine de jours auparavant, avait perdu sur le trottoir un mouchoir marqué à son chiffre. Alphonse Briquet l’avait ramassé et en le rendant à la dame il fut si charmant dans sa conversation qu’elle l’engagea à venir faire la causette dans son salon.

Cinq ou six minutes après l’entrée de Caraquette dans le salon, M. Alphonse Briquet prit congé de la comtesse qui l’invita à faire la partie de casino dans la soirée.

Lorsque l’homme au chapeau de castor gris se trouva seul avec la comtesse, il sortit un parchemin de sa poche.


XIV

LE FRAGMENT D’UNE LETTRE.


— Madame, dit-il, vous savez comme moi tout ce que votre situation a d’anormal.

La mort de votre mari et celle de votre fils vous ôtent la jouissance d’une fortune qui appartient, de droit, aux collatéraux de la famille St-Simon. Vous m’avez dit que le petit Pite était réellement votre enfant. Aujourd’hui que les papiers de la famille St-Simon ont été retrouvés il faut que l’enfant soit mis en tutelle. Je voudrais (ici Caraquette cligna l’œil d’un œil malin) que l’enfant fut mis au plus tôt sous la surveillance de sa mère. Savez-vous où se trouve votre fils aujourd’hui ?