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du reste, je l’ai chez moi. Je te donne $500 qui t’aideront à t’établir en ménage et à devenir un honnête homme. Les papiers qui étaient dans la boîte n’étaient pour toi d’aucune utilité, mais ils valent des milliers de piastres pour leur propriétaire. Ne change pas le cadavre de Cléophas, laisse-le là où il est. Il ne sera pas défiguré tant qu’il sera gelé.

J’aurai besoin de toi bientôt pour m’aider dans l’accomplissement d’une œuvre que j’ai entreprise. Il s’agira peut-être de faire disparaître un obstacle à mes plans. Ta vie m’appartient et tu t’exposeras au péril lorsque je l’ordonnerai.

Caraquette sortit de la poche de son ulster une trompette à vache et la montra à Bénoni :

— Tu vois cette trompette, reprit-il avec solennité, lorsque tu l’entendras sonner, en quelque lieu que tu sois, il faudra que tu viennes te mettre à mes ordres. Cette trompette elle peut sonner pour toi ce soir ou demain ou peut-être dans dix ans. Jure-moi maintenant que tu répondras à mon appel.

Bénoni posa la main sur la trompette et d’une voix ferme il dit :

— Je le jure.

— C’est bien, maintenant, tu peux aller rejoindre ta femme. N’oublie pas que je te surveille de près.

Bénoni alla retrouver ses invités dans le salon et reprit sa gaité. Il dansa et chanta avec ses amis comme s’il n’avait pas rencontré son mauvais génie.

Caraquette retourna à Montréal en faisant lancer son cheval à fond de train.

Rendu à Montréal il fit arrêter sa voiture devant la résidence de la comtesse de Bouctouche sur la rue Ste-Élizabeth.

La comtesse n’était pas seule.

Elle était assise sur un sofa dans son salon et prêtait une oreille attentive au discours mielleux d’un jeune homme d’une vingtaine d’années.

Ce jeune homme était un visiteur assidu de sa maison. Il brûlait d’une flamme secrète pour la dame de céans et tous les jours il se promenait avec la veuve sur la rue Notre-Dame.

Caraquette, après avoir retrouvé le trésor des Bouctouche, avait fait toucher à la comtesse une somme assez forte pour la mettre à l’abri de la misère.

La veuve était encore belle. Elle semblait avoir retrouvé la fraîche beauté de ses vingt ans et par sa grâce coquette et ses manières engageantes elle pouvait encore exercer une certaine domination sur les cœurs.