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dessinés avec finesse. Quelque chose de joli, de mutin, plaisait parmi la vivacité de ses mouvements. Sa toilette simple et unie lui allait à ravir.

La crise financière les avait privées d’une partie du travail qu’elles avaient dans les boutiques.

Les deux jeunes filles étaient de bonnes ouvrières.

Ursule quelquefois travaillait à faire des renforts à la colle chez Boivin, mais il lui fallait chômer à cause de la crise qui paralysait les industries.

Cunégonde travaillait dans le poil chez Dubuc, Desautels & Cie. Elle n’avait là du travail que pendant cinq ou six mois dans l’année. Quelquefois elle travaillait dans le département de modes chez Pilon, de sorte qu’elle pouvait faire $1.50 à $2.00 par semaine.

Cunégonde s’était méprise sur la nature des visites de Cléophas à la maison paternelle. Elle croyait qu’elle avait fait une impression profonde dans le cœur du conducteur de petits chars. Lorsqu’elle apprit que sa sœur était la véritable idole de Cléophas elle ne put se défendre d’un certain sentiment de jalousie qui perçait malgré elle. Il y avait souvent des altercations entre les deux sœurs, et des engueulements qui causaient des cancans dans le voisinage.


III

LA GROSSE PICOTTE.


Lorsque Ursule entra chez ses parents, après sa rencontre avec Bénoni au Jardin Viger, deux heures venaient de sonner à une grande horloge au tic-tac monotone placée dans un coin de la salle à manger.

Ursule fut surprise en entrant dans l’appartement de voir sa mère en grande conversation avec M. Cardinal, de la police sanitaire.

La mère Sansfaçon hochait la tête et ne paraissait point partager les idées de l’homme de police.

— Écoutez-moi, lui disait l’inspecteur, c’est l’officier de santé qui m’a envoyé ici. C’est la deuxième fois que je vous préviens en ami. Il faut que vous fassiez nettoyer votre cour pas plus tard que demain, sinon votre mari paraîtra devant le recorder ça lui coûtera joliment cher.

— Votre bureau de santé, disait la mère Sansfaçon, en a toujours contre les pauvres gens. Y a pas de danger qu’il fasse de misères à des gros comme Sir Louis Alaine.

L’homme de police sanitaire renouvela sa menace, en griffonnant quelques notes sur une feuille de papier qu’il avait tirée d’un portefeuille gras, il dit bonjour à la dame et sortit de la maison.