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Il sortit de la taverne, alluma un cigare et alla frapper résolument à la porte du père Sansfaçon.

Sur les entrefaites, ce dernier était entré chez lui et avait laissé son agrès à la porte, histoire de prendre une bouchée.

Le vieux charretier ne fit pas mauvaise façon à Bénoni lorsqu’il vit sa figure épanouie et son air de qué-que-ça-me-fiche, air que prennent les bommeurs lorsqu’ils se sentent flush et prêts à tout casser.

Bénoni paya l’absinthe au bonhomme et causa tranquillement avec lui sur les allées et venues de Cléophas.

Le père Sansfaçon une fois la langue déliée par une couple de « shnuffres », s’extasia sur les largesses de Cléophas, qui faisait les choses bien et qui dépensait une piastre avec autant de sans-gêne qu’une pièce de cinq cents.

Bénoni crut le moment favorable pour poser quelques questions insidieuses au vieux charretier. Il prit un air mystérieux et se penchant vers l’oreille de son interlocuteur, il lui dit :

— Savez-vous si Cléophas a fait changer une pièce d’or à la grocerie du coin ?

— Oui, répondit le bonhomme.

— Dans ce cas, papa Sansfaçon, votre ami Cléophas doit faire attention à lui. Un de mes amis m’a dit ce matin que Cléophas avait volé un gros montant d’argent et de bijoux. Il doit veiller au grain, les détectives sont peut-être déjà sur ses pistes.

— Oh ! bonté du ciel ! s’exclama le vieux charretier. Que faire ? La police va venir fouiller chez moi et m’arrêter.

— Pourquoi les malcommodes vous inquièteraient-ils ? Vous n’avez rien à vous reprocher. Tout le monde sait que vous êtes honnête, père Sansfaçon, malgré que vous aimiez un peu la « diche ».

— Bénoni, je te dis en bonne vérité, Cléophas depuis une couple de jours me paraît hors de son assiette. Souvent ma femme l’a vu rôder dans ma cour et dans mon écurie. Sainte bénite, s’il avait caché de l’argent volé dans mon écurie.

Bénoni rassura le vieux charretier et l’engagea à prendre encore quelques verres de boisson.

Le vieux ne tarda pas à cogner des clous. Il finit par se croiser les bras sur la table, il laissa tomber sa tête dessus et ronfla comme un tuyau d’orgue.

Bénoni respira. Il avait touché son but et il allait mettre la main sur le magot.

La vieille Sansfaçon était occupée à laver son butin dans la cui-