Page:Berthelot - Les mystères de Montréal, 1898.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114

Le coup avait été tellement violent et inattendu que Cléophas ploya sur ses jarrets et tomba à la renverse.

Bénoni roula par-dessus le corps de Cléophas qui n’avait pas encore lâché sa poigne, en lui criant :

— Ah ! c’est comme ça ! Tu ne veux pas de « fair play » ?

— J’aurai ta vie, misérable, répondit Bénoni.

Ce dernier lâcha les cheveux de son adversaire et, d’un mouvement rapide comme la pensée, il sortit de sa poche un couteau qu’il plongea dans la gorge de son adversaire. Le sang jaillit avec abondance. Cléophas faiblit et poussa quelques râles horribles et tomba inanimé sur la neige au milieu d’une mare de sang.

Bénoni se releva, essuya son couteau dans la neige et contempla sa victime avec des regards féroces.

Cléophas ne bougeait plus.

Bénoni s’agenouilla près du corps et mit la main sur la région du cœur.

Ce cœur avait cessé de battre.

Bénoni resta immobile pendant quelques instants et réalisa tout ce que sa position avait de terrible.

Il venait de commettre un meurtre et la justice allait étendre sur lui son bras vengeur.

Un nuage sombre passa devant ses yeux. Il entrevoyait déjà la potence.

Avant de sortir de la cour, il fouilla les poches de sa victime.

Il trouva dans son portefeuille une dizaine de piastres en billets de banque et une lettre cachetée à l’adresse d’Ursule.

La mère Sansfaçon qui était sourde comme un pot n’avait pas entendu le bruit de la bagarre.

Il s’agissait de faire disparaître au plus tôt la preuve de son crime.

Il releva le cadavre de Cléophas et le jeta au fond d’une vieille cariole. Il couvrit le corps avec un peu de paille et jeta de la neige par-dessus.

Mais il restait toujours la mare de sang dans la ruelle. Il fallait la faire disparaître.

Il prit une pelle dans l’écurie, enleva toute la neige maculée et la jeta sur le tas de fumier en ayant soin de la couvrir d’une nouvelle couche de neige.

Le père Sansfaçon ne se servait plus de la vieille cariole et plusieurs jours pouvaient s’écouler sans que la police fut mise en éveil par la nouvelle de l’assassinat.