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AVOCAT

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question s’est présentée à Paris à l’occasion du père Larordaire, que le conseil de l’ordre a refusé d’inscrire au tableau, bien qu’il fût licencié en droit. L’ordonnance de 1822 ne consacre aucune incompatibilité entre la qualité de clerc et celle d’avocat ; mais cette incompatibilité existait autrefois, et on a soutenu que, sous ce rapport, les anciens usages doivent encore être observés, car l’ordonnance de 1822 les consacre dans la mesure où ils ne sont pas contraires à l’ordre social moderne.

La profession d’avocat consiste à donner des consultalions et à plaider. Les avocats seuls peuvent donner des consultations dans les affaires où la loi les prescrit, c.-à-d. en matière de requête civile (art. 495 du c. de procéd. civ.) et lorsqu’il s’agit d’une transaction faite par un tuteur pour le compte de son mineur (art. 4G7 du c. civ.). Dans ces deux cas, la loi exige une consultation de trois jurisconsultes ; mais dans le premier cas ils sont choisis par la partie elle-même qui veut introduire la requête civile, ce qui retire à cette mesure tout caractère sérieux ; dans le second cas, les avocats sont désignés par le ministère public et leur consultation est une cause de nouveaux frais qui viennent s’ajouter à ceux occasionnés par la convocation du conseil de famille et par l’homologation du tribunal. Aussi a-t-on fréquemment demandé la suppression de ces consultations obligatoires. Quoi qu’il on soit, dans tous les autres cas, les consultations sont purement facultatives ; elles peuvent être rédigées par toutes personnes, et non plus seulement par des avocats. C’est en effet un droit reconnu à tout plaideur de présenter au tribunal de simples mémoires et défaire rédiger ces mémoires par une personne quelconque de son choix. Aussi, la fonction la plus habituelle de l’avocat consiste-t-elle dans la plaidoirie, c.-à-d. dans l’exposé verbal de l’affaire au tribunal. On discute vivement à cette occasion, sur la nature du contrat qui intervient entre l’avocat et son client. On a autrefois soutenu que l’avocat est un mandataire, mais c’est là une erreur aujourd’hui reconnue par tous ; la qualité de mandataire appartient à l’avoué et non pas à l’avocat ; celui-ci, en effet, à la différence de l’avoué, n’est pas le représentant de la partie. Les uns prétendent que ce contrat est un louage de service, comme celui que passe un malade avec son médecin. Mais certaines personnes, et les avocats les premiers, se sont récriés contre cette prétention. Ce que l’avocat donne, a-t-on dit, n’est pas susceptible d’un contrat de louage, et ce qu’il reçoit n’est pas un prix de location. Les actes dépendant de l’exercice d’une profession littéraire, scientifique ou artistique, comme par exemple l’engagement pris par un auteur d’écrire un livre, par un médecin de traiter un malade, par un avocat de plaider une cause, ne peuvent pas en eux-mêmes être l’objet d’un contrat, car de pareils actes ne sauraient être estimés en argent ; ils ne constituent que des faits d’obligeance de la part de ceux qui les ont promis. On conclut de là que l’engagement pris par un avocat de plaider une cause n’engendre contre lui aucune action contractuelle ; maison pourrait cependant, en cas de refus de sa part, lui demander des dommages-intérêts par application de ce principe général de notre droit suivant lequel quiconque nuit par son fait injustement à autrui est tenu de réparer le tort qu’il a causé (art. 1382 du c. civ.). Par la même raison on prétend que l’avocat ne reçoit pas un salaire, c.-à-d. le prix de son service, mais des honoraires. Toutes ces idées appartiennent, à notre avis, à un autre âge. La vérité est, en droit et en fait, que l’avocat passe avec son client un véritable louage de service, et ses services sont, comme tous autres, estimables en argent ; cela est tellement vrai, que le salaire de l’avocat est plus ou moins élevé selon l’importance de l’affaire et le talent de celui qui doit la plaider. Sous l’empire du décret de 1810 et même de l’ordonnance du 20 nov. 1822, un avocat ne pouvait pas plaider hors du ressort de la cour à laquelle il appartenait, sans avoir obtenu l’autorisation du ministre de la justice, après un avis du conseil de discipline ; les avocats des tribunaux d’arrondissement ne pouvaient même plaider qu’à la cour d ? MflM6 et devant les tribunaux île leur département (ord. du 20 nov. 1822, art. 39 et 40). Aujourd’hui tout avocat inscrit au tableau d’une cour ou d’un tribunal a le droit de plaider devant toutes les juridictions delà France, même devant les coure d’appel (ord. du 27 août 1830, art. 4. — Arg. ord. du 10 mars 1835), devant les juridictions administratives comme devant les tribunaux civils ou de répression, devant les juridictions de droit commun comme devant les juridictions d’exception. Toutefois cependant, et par exception, l’accusé traduit en cour d’assises ne peut choisir pour défenseur un avocat étranger au ressort de la cour d’assises qu’avec l’autorisation du président de cette cour (art. 295 du c. d’inst. crim.). D’un autre coté, les avocats au conseil d’Etat et à ia cour de cassation ont seuls le droit de plaider devant ces deux juridictions. Cependant les autres avocats ont, à la rigueur, d’après un très ancien usage, le droit de se présenter aussi devant la chambre criminelle de la cour de cassation, mais en fait ils ne l’exercent jamais. 11 est aussi nécessaire de s’entendre sur le sens et la portée du monopole de la plaidoirie attribué aux avocats. Et d’abord il ne faudrait pas croire que le ministère de l’avocat soit forcé comme celui de l’avoué en matière civile devant les tribunaux d’arrondissement. Tout plaideur a le droit de plaider lui-même sa propre cause, tandis qu’il lui est interdit de faire les actes de la procédure pour lesquels il est remplacé par un avoué. Ce n’est qu’autant que le plaideur ne veut pas prendre la parole en personne qu’il doit alors charger un avocat d’exposer l’affaire au tribunal. En matière criminelle, un parent ou ami peut plaider pour le compte de l’accusé au lieu et place d’un avocat, avec la permission du président de la cour d’assises (art. 295 du c. d’inst. crim.) ; mais cette disposition étant exceptionnelle, il ne semble pas qu’elle puisse s’étendre aux procès civils. Quant aux avoués, ils ne sauraient plaider que les incidents des procédures dans lesquelles ils occupent. Mais lorsque les avocats ne sont pas en nombre auprès d’un tribunal, les avoués ont le droit de plaider, et alors ils cumulent à la fois les fonctions d’avoué et d’avocat. Toutefois, pour que ce droit de plaider leur appartienne, il faut qu’une autorisation générale leur ait été donnée par la cour d’appel de leur ressort. Cette autorisation doit être accordée au début de chaque année judiciaire, et elle ne saurait ensuite être retirée dans le courant de cette même année. En outre elle ne peut pas être donnée aux avoués qui exercent auprès des tribunaux des villes où siège la cour d’appel. On a pensé que dans ces localités il y a toujours un nombre suffisant d’avocats. Si cependant le contraire se réalisait, les avoués pourraient aussi plaider, mais il leur faudrait une autorisation spéciale pour chaque affaire (décret du 25 juin 1878). Les avocats sont tenus à des devoirs professionnels imposés par des lois spéciales ou par les traditions. Ainsi ils ne doivent pas révéler les secrets qui leur ont été confiés, au risque d’encourir l’application de l’art. 378 du c. pén. De même, il leur est défendu de se rendre cessionnaires de droits litigieux (art. 1597 du c. civ.). Conformément aux traditions de leur ordre, les avocats s’interdisent de réclamer en justice les honoraires qui leur sont dus. Peut-être vaudrait-il mieux, dans l’intérêt général, qu’ils exerçassent ce droit. Il se produit en effet aujourd’hui deux abus qui disparaîtraient : d’une part, certains clients se dispensent de rémunérer leurs avocats, dans la certitude qu’ils ont de n’être pas actionnés en justice ; d’autre part, certains avocats, pour éviter ce danger, se font donner, sous le nom de provision ou sous une autre forme, de véritables honoraires anticipés. Les avocats jouissent de certaines prérogatives assez importantes qui, d’ailleurs pour la plupart, sont uniquement établies dans l’intérêt de la justice, Ainsi le cabinet de tout avocat est inviolable ; la police ne peut y rechercher ni la personne d’un prévenu, ni les preuves d’un crime ou d’un délit, à moins que l’avocat ne soit lui-même impliqué dans l’affaire comme auteur ou