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AVOCAT

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çaicnt constituaient une chevalerie particulière, la chevalerie es Lois : des lettres personnelles d’anoblissement, conférées au xiv 8 siècle à quelques avocats, mentionnent expressément qu’ils étaient roturiers, et au xvi° siècle un arrêt du Conseil privé dut intervenir pour décider que la profession d’avocat ne dérogeait pasàla noblesse. /. Honoraires. Les avocats avaient le droit de stipuler un salaire des clients qui s’adressaient à eux, et, à défaut de paiement, de les poursuivre en justice ; leur créance était même privilégiée. Mais la cour exerçait un contrôle sur le chiffre des honoraires demandés, et les réduisait lorsqu’ils étaient exagérés. La somme de 30 livres, que les ordonnances royales de 1274, 1291 et 1345 avaient fixée comme un maximum pour chaque cause, étaitsouvent dépassée en pratique ; et la cour tenait compte dans la taxe, de l’importance et de la durée du procès, de la renommée de l’avocat et de la coutume locale. En outre le pacte de quota litis et l’achat de droits litigieux étaient interdits aux avocats par les ordonnances de 1345 et de 1560. — Au xiv e siècle les avocats donnaient habituellement quittance à leurs clients des honoraires qu’ils recevaient pour leurs plaidoiries et leurs écritures. Cette habitude, qui obligeait les avocats trop avides à avouer le salaire excessif qu’ils avaient reçu, se perdit rapidement, et, pour remédier aux abus, l’ordonnance de Blois (1579) enjoignit aux avocats, sous peine de concussion, de certifier par écrit le montant de ce qu’ils avaient reçu (art. 161). Cette prescription ne fut d’abord pas observée ; mais sur la réclamation des notables assemblés à Rouen en 1597, un arrêt du parlement de Paris, de 1602, la mit en vigueur. Plus de 300 avocats protestèrent et, plutôt que de se soumettre, se laissèrent rayer du tableau. Pour mettre fin à ce conflit qui avait interrompu le cours de la justice, Henri IV confirma en principe l’arrêt du parlement, mais rendit aux avocats rayés du tableau le droit d’exercer de nouveau leur profession aux mêmes conditions qu’auparavant. Dans le ressort du parlement de Provence, un arrêt de 1702 remit en vigueur la disposition de l’ordonnance de 1579.

7° Parmi les avocats qui exerçaient au parlement et dans les juridictions inférieures, il faut accorder une mention spéciale à ceux qui portaient le titre d’avocats du roi. — Le procureur général qui, dès le xin e siècle, représentait le roi au parlement de Paris, était assisté dans ses fonctions par deux avocats, que le roi pensionnait pour prendre la parole en son nom dans les affaires qui intéressaient la couronne ou l’ordre public. Ces avocats, choisis parmi lesplus célèbres du barreau de Paris, n’avaient qu’un mandat révocable, et gardaient la faculté de plaider pour toute autre personne, à la condition que ce ne fut point contre le roi. Ils portaient, depuis le xiv a siècle, le titre d’avocats généraux ou d’avocats du roi ; l’un d’eux était clerc et parlait dans les causes civiles ; l’autre était laïque et chargé des causes criminelles. Pendant quelque temps, sous Charles VI, ils furent élus par le parlement, comme les conseillers et le procureur général ; mais Charles Vif reprit le droit de les nommer. Le roi avait aussi des avocats dans les autres cours souveraines et les parlements provinciaux, ainsi qu’au Chàtelet de Paris, dans les bailîages et sénéchaussées et dans les tribunaux ecclésiastiques. — C’est seulement en 1579 que l’ordonnance de Blois (art. 115) défendit aux avocats du roi de plaider les causes privées, et en fit de véritables magistrats. 8° Enfin il existait, pendant les derniers siècles de la monarchie, une catégorie spéciale d’avocats attachés au Conseil duroi. A l’origine il n’y avait aucune distinction entre eux et les avocats au parlement ; le même corps prêtait son ministère aux parties devant les deux juridictions issues d’une origine commune. Mais la nécessité où était le Conseil de suivre partout le roi, amena les plaideurs à s’y faire représenter aussi, dès le xiv e siècle, par des mandataires spéciaux, choisis ordinairement parmi les fonctionnaires de la Chancellerie qui portaient le titre de secrétaires du roi, puis, vers la (in du xv° siècle, par des solliciteurs, sorte d’agents d’affaires, dépourvus de tout caractère public. Lorsque, dans la seconde moitié du xv° siècle, le grand Conseil te détacha du Conseil du roi ou Conseil d’Etat, les secrétaires, que l’on accusait de favoriser dans la délivrance des lettres de chancellerie les particuliers dont ils présentaient les requêtes, furent privés du droit de postuler devant cette nouvelle juridiction, et ce ministère fut exclusivement attribué, en 1520, à des procureurs au grand Conseil, qui subsistèrent jusqu’en 1768. Devant le Conseil d’Etat proprement dit et ses diverses sections, les parties continuèrent, pendant la plus grande partie du xvi e siècle, à pouvoir charger indistinctement de leurs affaires les avocats au Parlement, les secrétaires du roi et les solliciteurs ; mais en 1581, le droit de porter requête devant cette juridiction fut réservé par privilège à quelques secrétaires et avocats au parlement, qui reçurent leur matricule du chancelier, moyennant finance et prestation de serment. Le nombre de ces concessions fut bientôt augmenté dans un intérêt fiscal ; on le ramena à 6 en 1585, à 10 en 1595, à 20 en 1597, mais en 1626 il fut porté à 100. Enfin en 1643, le privilège que conférait la matricule fut érigé en office public par un édit qui institua la Communauté des avocats aux Conseils du roi sur des bases qui subsistèrent jusqu’en 1790. Il y eut 160 charges d’avocats, héréditaires et soumises à la Paulette ; un doyen, des syndics et un greffier, élus par leurs confrères, formaient le conseil de l’ordre ; ils réunissaient dans l’exercice de leur ministère la fonction d’avocat et celle de procureur, et faisaient toutes les écritures. Le nombre des charges fut élevé dans le cours du xvii siècle jusqu’à 260, puis,auxvm e , ramené à 170. Le règlement de 1738 qui fixait la procédure à suivre devant les conseils et soumettait les avocats à une discipline plus sévère, souleva de vives protestations, à la suite desquelles un édit supprima les charges qui existaient et les remplaça par de nouvelles ; il y en avait 90 en 1768 ; seulement 73 en 1790. Les avocats au parlement de Paris avaient gardé, par l’édit de 1643, la faculté de plaider devant les Conseils du roi avec permission spéciale du chancelier ; et réciproquement les avocats aux Conseils obtinrent le droit de plaider devant le parlement et les autres juridictions du ressort ; des rivalités professionnelles, mal déguisées sous des questions de préséance, divisèrent longtemps les deux compagnies (V. la déclaration royale de 1709). Enfin en 1768 les fonctions de procureurs au grand Conseil furent supprimées et attribuées aux avocats aux Conseils du roi.

9° Après avoir retracé les règles auxquelles était soumise la profession d’avocat sous l’ancien régime, il reste à dire quelques mots du rôle que les avocats ont joué, pendant cette période, dans l’histoire politique, judiciaire et littéraire de la France. — En politique, leur influence fut peu sensible. La forme absolue du gouvernement, dans lequel les questions d’intérêt général n’étaient pas librement discutées par des corps délibérants, mais décidées par la volonté du roi et de ses représentants, interdisait aux avocats de prendre, comme dans la république romaine ou dans les gouvernements parlementaires des temps modernes, une part décisive à la direction des affaires publiques. Pendant les époques troublées de notre histoire, plusieurs d’entre eux furent appelées dans les Conseils du roi ou se mêlèrent aux luttes des partis, suivant l’inspiration de leur conscience ou les calculs de leur ambition. Ainsi au xiv e siècle, Robert le Coq, Jean Jouvenel, Jean Pastourel, Regnault d’Acy ; au xvi 9 , E. Pasquier, J. Bodin, B. Brisson, A. Arnaud. Mais le corps entier des avocats, uni pour l’observation de ses règlements professionnels, ne se soumit pas en politique à la même discipline, et chacun de ses membres garda sa pleine indépendance. On peut dire toutefois que les avocats s’inspirèrent le plus souvent des principes chers au tiers-état, d’où sortaient la plupar d’entre eux, que dans les guerres civiles du xiv e , du xv