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AVOCAT

n’avoir encouru aucune condamnation infamante ; 3° être licencié en droit civil et canonique, condition qui ne fut strictement exigée qu’à partir du xvi e siècle ; 4° faire profession de foi catholique : cette prescription fut rigoureusement appliquée au xvi e siècle pendant les guerres de religion, et au xvn e siècle après la révocation del’édit de Nantes ; 5° prêter le serment professionnel, qui devait être renouvelé chaque année à la rentrée de la cour ; 6° payer le droit de chapelle ("2 écus), qui revenait à la confrérie. — Les avocats inscrits étaient, divisés en trois catégories : avocats anciens ou consultants (consiliaril) qui avaient au moins dix ans d’exercice ; avocats plaidants (proponcntes) ; avocats nouveaux ou écoutants (novi, audientcs), qui faisaient un stage avant d’exercer. Dans le cours du xvn e siècle, le stage dut précéder l’inscription au tahleau, et sa durée fut fixée à 2 ans, puis à 4 ans (1761) ; c’étaient les gens du roi qui, d’accord avec le parlement, prononçaient l’admission des nouveaux au nombre des avocats plaidants ; en 1710, des conférences de doctrine furent organisées à Paris, pour les stagiaires, à la suite du legs de G. de Riparlonds, avocat au parlement, qui fonda la bibliothèque de l’ordre. — La fonction d’avocat ne fut pas, sous l’ancien régime, érigée en office public et vénal, comme celle de procureur ; une tentative fut cependant faite dans ce sens, pendant les dernières années du règne de Louis XV ; le chancelier Maupeou créa, en 1771, auprès du nouveau parlement qu’il avait institué, 100 offices d’avocats, conférés à prix d’argent et sans certificat d’études ; mais ils furent supprimés après la chute deMaupeou, en 1774.

b. Ministère de l’avocat, au civil et au criminel. Jusqu’au milieu du xvi e siècle, ce ministère s’exerçait à la lois devant les tribunaux civils et devant les tribunaux criminels. Mais depuis l’ordonnance de 1539 (art. 146, 162), qui établit définitivement la procédure inquisitoriale, jusqu’à la fin de l’ancien régime, l’assistance d’un avocat fut interdite aux accusés en matière criminelle. En matière civile, elle fut toujours obligatoire pour les parties, qui n’étaient pas admises à plaider elles-mêmes leur cause. — Le roi, les grands seigneurs, les personnes riches, les villes et les communautés avaient un ou plusieurs avocats pensionnaires, payés à l’année, et chargés par un mandat général de toutes leurs affaires. Mais le plus souvent chaque partie choisissait son avocat au moment où le procès allait s’engager ; si elle n’en trouvait pas qui voulût défendre sa cause, ou si son adversaire accaparait les meilleurs, elle demandait à la cour disiributiou de conseil, c.-à-d. désignation d’office de deux avocats au moins ; cet usage cessa au xvi e siècle, à cause de l’aflluence des avocats dans toutes les juridictions. Dès le xiv e siècle, des avocats d’office étaient donnés aux pauvres, spécialement placés sous la protection des gens du roi.

c. Consultations, écritures, plaidoiries. Le ministère de l’avocat s’exerçait de trois manières : par des consultations ; par des écritures ; par des plaidoiries. 1° Consultations. Elles étaient alors le préliminaire habituel de toute affaire ; tout avocat pouvait en donner par écrit ou verbalement, et il y avait au palais un pilier et des chambres, où les parties venaient les trouver pour cela ; mais les anciens avocats, qui portaient le titre de consultants, avaient le privilège de signer les consultations dans les affaires où elles étaient obligatoires d’après les ordonnances, et d’être consultés par la cour elle-même dans certaines contestations. — 2° Ecritures. Une partie des actes de la procédure (demandes, défenses, répliques, contredits, etc.) étaient faits par les avocats, les autres réservés aux procureurs ; la distinction longtemps indécise ne fut définitivement établie que par un arrêt de règlement de 1693. Ces écritures, souvent prolixes et surchargées de détails inutiles, pour élever la taxe des frais, devaient être signées par les avocats ; ils les rédigeaient au palais, dans la grande salle, ou chacun d’eux avait son banc et son buffet ; ils employaient pour ce travail des clercs, qui GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — IV.

sont mentionnés dans l’ordonnance de 1345, et qui appartenaient, comme les clercs de procureurs, à la bruyante et satirique Basoche. — 3° Plaidoiries. Les jours « plaidoyables », les avocats étaient tenus de se présenter au début de l’audience, accompagnés de leur client ou du procureur qui le représentait. Au parlement de Paris des bancs ou barreaux leur étaient réservés dans la grand’chambre, derrière les sièges occupés par les présidents, les conseillers et les gens du roi ; les avocats plaidants se tenaient sur le premier banc, les avocats écoutants sur le second, les avocats consultants étaient admis à siéger « sur les fleurs de lis » à côté des gens du roi. Une clôture, qui primitivement n’était qu’une barre, les séparait de la cour. Ils plaidaient debout devant la barre, le demandeur à gauche, le défendeur à droite. Ils devaient être revêtus du costume professionnel, c.-à-d. de la robe longue noire, et avaient sur la tête le chapeau fourré, qui fut remplacé au xv e siècle par le bonnet ou la barrette, mais continua à être porté sur l’épaule gauche ; l’ôpitoge actuelle en est la dernière transformation. Ils ne se découvraient que pour poser leurs conclusions. Les plaidoiries devaient être prononcées en français. Une assez grande liberté de parole était laissée aux avocats, à la condition de respecter le roi, les gens du roi , le parlement, les libertés de l’Eglise gallicane, et de ne pas injurier leurs adversaires ; lorsqu’un écart de langage était commis, le procureur du roi demandait au client s’il l’avouait ou le désavouait ; en cas d’aveu, c’était le client qui était responsable ; en cas de désaveu, l’avocat était condamné à l’amende.

d. Discipline. Les compagnies d’avocats étaient unies aux cours de justice auprès desquelles elles s’étaient constituées, par des liens réciproques de protection et de subordination. A Paris, les avocats faisaient partie du corps du parlement ; à ce titre, ils étaient protégés par la cour contre les rancunes et les violences auxquelles les plaideurs se laissaient parfois aller, et par contre soumis à son autorité réglementaire et disciplinaire ; c’était le parlement qui réglait par ses arrêts les points de détail non prévus par les ordonnances (conditions d’étude, durée du stage, costume, etc.), veillait à l’exactitude des avocats, leur donnait congé pour s’absenter, et punissait toute infraction aux devoirs professionnels ; les peines étaient l’amende, l’expulsion de l’audience, la suspension, l’emprisonnement. Au xvu e siècle ce pouvoir disciplinaire passa en partie entre les mains du Conseil de l’ordre, qui fut constitué en 1662 ; ses décisions avaient pour sanction, tantôt la radiation du tableau, qui devait être prononcée par arrêt du parlement , tantôt la défense de ’communiquer avec le membre de l’ordre qui avait attiré sur lui la sévérité de ses confrères.

e. Privilèges. A Paris et dans les provinces, les avocats inscrits au tableau avaient seuls le droit de plaider et de faire des écritures dans le ressort du parlement, du présidial, ou du bailliage auxquels ils étaient attachés. C’était parmi eux que le roi prenait le plus souvent les conseillers du parlement et des autres cours souveraines ; et l’ordonnance de Blois (1579) fit de l’exercice de la profession d’avocat une condition nécessaire pour être nommé à ces charges de judicature (art. 105). Les avocats au parlement étaient, comme les conseillers, exempts de la taille, et comme eux jouissaient du committimus, c.-à-d. du privilège de n’être jugés que par les Requêtes du palais ; mais cette dernière faveur fut réservée, par un éditde 1559 et par l’ordonnance de Moulins (1566), aux 12 plus anciens avocats du parlement de Paris et aux b plus anciens dans les autres parlements. Ils avaient préséance sur les docteurs en droit, procureurs, notaires, médecins, substituts du procureur du roi ; ils n’étaient pas contraignables par corps dans l’exercice de leur profession. On a cru à tort, sur la foi d’une tradition rapportée par les anciens historiens de l’ordre, que la profession d’avocat conférait par elle-même la noblesse, et que ceux qui l’exer- 59