15. « Quand vous entendrez enfin sonner l’Heure — envahissez ces quartiers luxueux,
16. « Ouvrez ces palais et ces monuments — et venez les habiter sans crainte.
17. « Car il convient que ceux qui sont aujourd’hui sans domicile — aient alors de belles demeures ».
18. Mais au coin de la rue une prostituée l’appela et lui dit : — « Viens faire l’amour avec moi ». Et elle voulut l’entraîner.
19. Mais il lui dit : — « Ta voix sonne faux et ton visage n’est pas sincère — Je ne veux pas de cet amour que tu vends ».
20. Alors le fard de la femme tomba, et elle gémit : « J’ai faim — et j’ai un petit enfant dont le père est parti, et qui a faim aussi… »
21. Mais il lui demanda : « Pourquoi ne travailles-tu pas comme les autres — pour gagner de quoi vivre, toi et ton enfant ? »
22. Elle dit : « Quoi ? on m’a chassée de la fabrique quand je suis devenue grosse — et j’ai perdu l’habitude de travailler.
23. « Et puis si tu savais comment ils paient le travail des femmes — tu ne me dirais pas de pareilles choses.
24. « Si tu ne veux pas de moi, laisse-moi chercher un autre homme — qui nous donnera de quoi manger pour demain. »
25. Alors il lui dit : « Femme, il va sonner une Heure — où ton enfant et toi pourrez vivre sans que tu vendes de faux amour.
26. « Et personne d’ailleurs ne voudra plus de ce faux amour — car l’amour vrai sera désormais franc et libre ».
27. Et comme il restait seul, pensif au coin de la rue — un homme armé qui l’observait vint et lui toucha l’épaule.
28. Lui disant : « Il est défendu de stationner ici ». — Mais il lui demanda : « Et toi, qui es-tu ? »
29. L’homme armé répondit : « Je suis le Veilleur-de-Nuit — et je fais mon service, obéissant aux ordres qu’on m’a donnés.
30. « Car, il y a, dans ces palais, des richesses innombrables — et si les voleurs y entraient quand je suis de service, je serais sévèrement puni ».
31. Mais il lui demanda : « Ces richesses sont-elles à toi — ou t’en donnera-t-on une partie ? »
32. L’homme rit et dit : « Je n’ai rien à moi — que mon petit salaire ».
33. Alors il dit : « Ainsi le chien garde les richesses de son maître — et on lui donne en paiement un os et des coups de fouet ».
Ch. V
1. Dans le temple, il y avait une cérémonie — et grand concours de peuple, de clercs et de dévots.
2. Et quelqu’un lui demanda : « Que sera-t-il de ceux-ci ? » — il répondit : « Qu’en sais-je ? Mais ils ont bien sujet de craintes.
3. « Car il est dit de ce jour à propos d’eux : — « Le miserere est passé, les cloches de mort se taisent ».
4. Mais le serviteur du temple, l’entendant, cria : « Cet homme blasphème ! Qu’il s’éloigne d’ici ! »
5. Et il s’amassa une foule de clercs et de dévots — qui voulaient le chasser du parvis.
6. Mais il leur dit : « Malheur à vous clercs et dévots, qui fermez au peuple le paradis terrestre — qui n’y entrez pas et n’y laissez personne entrer.
7. « Malheur à vous, clercs et dévots, sépulcres blanchis, qui paraissez propres au dehors — mais dont l’intérieur est plein de vermine et de pourriture.
8. « Malheur à vous, clercs et dévots, qui remuez terre et mer pour faire des convertis — et qui les rendez dix fois plus pervers que vous-mêmes.
9. « Malheur à vous, clercs et dévots, qui dévorez l’avoir des veuves et des orphelins — sous le prétexte de prières et d’œuvres pieuses.