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Bertrand n’essaya même pas de le réparer. Quand il refit sa bibliothèque, il y mit plus de livres de littérature que de livres de science. Apparemment, sa cruelle aventure amena, chez lui, un détachement un peu amer, par où s’accrut encore sa liberté d’esprit…

L’homme était charmant, —-oh ! Sans nulle fadeur. Les traces d’un accident célèbre avaient achevé de lui faire un visage pittoresque, un visage de vieux savant de conte familier. Il était la joie de nos discussions par sa fantaisie brusque, et par ce qu’il y avait d’inattendu dans ses jugements, où la seule chose que nous puissions prévoir, c’était qu’il ne serait pas de notre avis. Inattendus aussi, les trésors de sa mémoire vaste et bigarrée. Sa conversation était pleine de surprises.

Dans sa vie familiale, inaugurée il y a cinquante-sept ans, sa bonhomie tendre et gaie répandait comme une cordiale poésie. C’était un père et un grand-père adorables. Tous ses amis citent des traits de sa bonté, de son désintéressement, de sa charité active et délicate. Quand il s’agira de son génie scientifique, il faudra bien que nous nous en remettions pieusement à ses confrères de l’Académie des sciences, à vous, Monsieur, tout le premier. Mais, quand nous