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certain mépris pour le faible qui avoue avoir besoin d’eux. C’est un plaisir un peu néronien auquel il leur est bien difficile de résister toujours, surtout quand le faible est tout à fait isolé, que de le traiter comme un inférieur qu’on peut éconduire, ou faire attendre, ou mortifier par son silence, et cela n’est pas non plus sans volupté que de tenir entre ses mains, sinon toujours la carrière et l’avenir d’un semblable, du moins ses rêves et ses espoirs. Le métier de protecteur a ses joies, les joies d’un dieu qu’on prie et qui daigne accorder de temps en temps. Mais il a aussi ses charges et ses peines. Ceux qui l’exercent ne peuvent pas tout faire ; il faut qu’ils aillent au plus pressé. Il est naturel qu’ils veuillent placer leur influence au taux le plus élevé, en s’assurant contre les risques qu’on peut courir en s’occupant des affaires des autres — et ils ont le droit, reconnaissons-le, de prendre des vacances.

Je me retrouve, au bout d’un an, dans ma maison des champs. Ah ! mon ami, la joie des retours : la maison qui s’éveille et qui s’anime, les yeux humides d’un chien éperdu de bonheur ; les arbres altiers au feuillage palpitant comme un cœur. Aller revoir toutes les plantes qu’on pré-