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sacrifice, mais encore la province panse un peu la blessure, car elle nous donne la consolation de pouvoir écrire de longues lettres. Tant pis pour les Parisiens s’ils n’ont pas le temps de les lire, car ce sont des lettres dans lesquelles on a eu le temps de mettre tout son cœur et tout son esprit — quand on en a.

Et je ne vous parle pas, mon cher ami, des joies familiales. Votre célibat, décrassé depuis qu’il est parisien, me prendrait en pitié. Nous sommes installés depuis huit jours dans notre maison des champs, à trois kilomètres de la ville, en pleine campagne, au milieu des fermes. Si tout n’est qu’illusion sur terre, c’est une illusion sans pareille que de posséder un coin fertile et ombragé. La végétation est en pleine vigueur, en plein épanouissement. L’herbe des pelouses est épaisse, veloutée, les fleurs étincellent dans l’atmosphère dorée et il tombe des tilleuls, où les oiseaux modulent, des parfums à rendre ivre, parfums auxquels se mêlent ceux des genêts d’Espagne et des foins coupés. On n’entend d’autres bruits que ceux de la vie animale, végétale et rustique, et je vous assure que le voisinage d’une ferme est infiniment apaisant et réconfortant. Mon mari et mes enfants partent