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à Paris et que chacun de ces départs a été pour moi un véritable arrachement.

Mais qui n’a pas connu les douleurs de l’amitié n’en a pas connu les joies et je ne donnerais pas celles-ci pour m’éviter celles-là.

Les joies de l’amitié, la province vous les prodigue et, à cause de cela, il doit lui être beaucoup pardonné. Se voir chaque jour, causer longuement ensemble, avoir même le temps de rester longtemps silencieux les uns avec les autres ; pouvoir s’étudier, se comprendre, se pardonner et, quand on s’est adopté, vivre dans l’intimité quotidienne des actes et des pensées ; avoir d’autant plus de plaisir à se voir le lendemain qu’on s’était déjà vu la veille, se rencontrer sur les places ou dans les boutiques, même quand on ne s’est pas donné rendez-vous, s’accompagner, revenir sur ses pas, flâner ensemble parce qu’on a le temps, connaître les mêmes personnes qu’on ne connaît pas, aller ensemble chez le libraire, au concert, au théâtre, à la campagne, aller partout ensemble et se quitter en se disant : « à tout à l’heure ou à demain », qu’est-ce qui peut avoir au monde une valeur pareille ?

Et il est certain que, lorsqu’il faut renoncer à des habitudes aussi précieuses, c’est un bien dur