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héros biblique, des vices dont Tissot, en un livre spécial, a flétri la pratique. Enfin, c’est complet. Dites, mon cher ami, vous le connaissez ce livre spécial de Tissot ? Qui est Tissot ? Je ne sais pas. Eh ! bien non, je ne sais pas ! Vous savez bien qu’on ne sait rien en province. Pour ce qui est des vices, je n’en sais rien, mais je connais des célibataires provinciaux qui ne ressemblent pas du tout à ce hideux portrait peint par Octave Uzanne avec un si naïf plaisir.

Je n’ai pas vécu quatorze ans en province sans en subir l’empreinte et sans en découvrir les charmes : la suppression des distances, le calme et le silence ont bien leur prix. La possibilité d’avoir chaque jour de longues heures de loisir qu’on peut consacrer sans remords à soi-même parce qu’on a aussi eu le temps de ne pas négliger les autres, c’est un tel bonheur qu’on n’imagine pas qu’on pourrait y renoncer. J’ai connu ici, dans cette ville, les gens les meilleurs, les plus séduisants, les plus curieux, les plus cultivés et les plus raffinés d’esprit, qu’on puisse désirer de connaître. Et ils étaient aussi les plus travailleurs et ils créaient les œuvres les plus consciencieusement étudiées et les plus sincèrement réfléchies. Il est vrai que, presque tous, ils sont partis