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comme si on s’était réjoui devant moi d’un supplice subi par mon père ou par ma mère. J’ai compris le fameux « Paris ne tiendra pas », répété avec insistance par des prophètes du pire qui prennent leurs désirs pour des réalités. Ah ! Paris, mon pauvre Paris si beau, si fiévreux, si ardent, si généreux, si fou et si brave, quelle cruelle stupeur de vous entendre pour la première fois railler, bafouer et méconnaître à ce point ! Et puis, si je ne me suis pas encore habituée à ces méchancetés et à ces dénigrements, j’ai fini par les comprendre un peu.

Paris est blessant pour la province. Il n’a pas centralisé égoïstement à son profit tout ce qui se fait de mieux sur terre en art, en intelligence, en souvenirs du passé, avec une gentillesse suffisante pour se faire pardonner. Paris a, comme le Parisien, la réputation de faire le malin et, si ces façons-là en imposent un peu, il est aussi très tentant et très facile de les tourner en ridicule. Les habitants de Paris sont désagréables pour les provinciaux. Ils veulent faire oublier ainsi que la plupart d’entre eux sont venus de leur province. Ils savent aussi quelles difficultés on rencontre pour se faire sa place à Paris et ils craignent que d’autres ne viennent à leur tour les