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sentiments parisiens. Il y a bien les bains de mer ou la montagne deux mois par an, mais aux bains de mer ou à la montagne, on est encore des « Parisiens ». Lorsque je suis arrivée en province, j’ai été toute meurtrie de trouver un monde si différent, effarée de sentir la défiance et l’hostilité des gens envers Paris et tout ce qui vient de lui, en même temps que le besoin de prouver qu’on lui ressemble, qu’on est aussi beau que lui et beaucoup plus vertueux. Jalousie, envie et mépris, voilà les sentiments de la province pour Paris. Mon Dieu, lorsqu’une dame provinciale, extrêmement démodée, déclare qu’il est impossible de mettre une robe propre à Paris parce que la pluie et la boue de Paris font des taches indélébiles ; lorsqu’un monsieur provincial, obsédé par les microbes, déclare que Paris est une ville redoutable parce que, dès qu’on y est depuis deux heures, on mouche tout noir, cela n’est que pittoresque et amusant. Mais il y a des choses plus graves. Je me souviens de propos tenus, un jour, par des provinciaux qui avaient vingt-cinq ans au moment de la guerre. Malgré eux, la satisfaction du siège, de la capitulation, transpirait dans leurs paroles et je me sentais atteinte au plus profond de moi-même,