Page:Berteval-Le theatre d'Ibsen, 1912.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
LE THÉATRE D’IBSEN


concises, un peu sibyllines, qui reviennent à la façon d’un leitmotiv ; qu’on songe au « tout ou rien » de Brand ; au « troisième royaume » de Empereur et Galiléen, au « prodige » de Maison de poupée, au « mensonge vital » du Canard sauvage, au pouvoir de « s’acclimater » de la Dame de la mer, et à tant d’autres expressions désormais passées en proverbe. Allmers, lui, se plaît à voir autour de soi des manifestations de la « loi de transformation. »

Mais cette loi qu’il proclame, il n’en a pas vu la portée. C’est grâce à elle que tous les malentendus s’éclairciront. Mais quand Allmers la verra pleinement réalisée, c’est lui qu’elle aura bouleversé. Il s’est détaché peu à peu d’une épouse à qui il devait être uni par les liens les plus sacrés et par le souvenir de son petit Eyolf, il a laissé grandir en son cœur une affection équivoque pour une femme qui n’est pas même entièrement sa sœur, des années durant il est resté aveugle à la fausseté de sa situation, et il ose invoquer la logique des transformations ! Mais alors, ce que nous pressentions se réalise : Asta recule épouvantée devant la tendresse d’Allmers. Elle lui révèle le secret que nous soupçonnions et qu’elle vient de découvrir : le père d’Allmers n’est pas son père, il n’y a entre eux aucun lien que celui qu’ils se doivent de déchirer, et la loi de transformation, qui peut amener l’épuration de l’amour de Rita et lui rendre son époux, pour la fausse amitié et la fausse sœur vient de faire éclater la vérité !

Asta finit par s’en aller au bras de Borgheim, un jeune homme qui depuis longtemps aspirait à faire d’elle sa femme. C’est un ingénieur, un « frayeur de routes, » dont le caractère ouvert et résolu forme