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LE PETIT EYOLF

Rita (avec une sourde plainte). — Je ne le pourrais pas. Ah ! je sens cela : je ne le pourrais jamais ! Pas pour toutes les splendeurs du ciel !

Allmers. — Ni moi non plus.

Rita. — Non, Alfred, n’est-ce pas ? Toi 11011 plus, tu ne le pourrais pas !

Allmers. — Non. Car nous sommes des enfants de la terre. Nous lui appartenons 1[1].


C’est encore Allmers, cet homme incapable de sortir de lui-même, et par conséquent de changer profondément, qui parle constamment de la « loi de transformation. » Tout se transforme, explique-t-il à Rita désespérée de ne plus trouver en lui la passion des premières étreintes, l’amour comme le reste ; c’est une loi dont il faut prendre son parti. Seule, à son gré, l’amitié ne se transforme pas, et Asta est la seule personne pour laquelle il ne saurait changer.

Eh bien ! cette fois encore Allmers se trompe. Les faux rapports qu’il a avec sa femme et sa sœur sont la cause de son incessant malaise, peut-être constituent-ils toute son inconsciente culpabilité. Au moment où il prononce ces paroles, il est engagé aussi avant que possible dans cette situation inextricable, jamais il n’a été plus injuste envers Rita, plus partial envers Asta, et c’est à ce moment qu’il est tout près de la vérité.

C’est la « loi de transformation » qui amènera le dénouement, c’est par elle que le drame acquiert sa signification morale. Elle est nommée à mainte reprise, selon un procédé cher à lbsen : dans presque toutes ses pièces il aime à insister sur certaines formules

  1. 1. Acte II.