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LE THÉATRE D’IBSEN


n’est-il pas allé à Rila, qui verse des larmes de mère, et dont le deuil est le sien. Il s’est rapproché d’Asta, c’est à elle qu’il ouvre son cœur, dans toute sa douleur lamentable et inutile, dans toute sa faiblesse d’inconscient égoïste, qui songe à se voir plaindre même quand il pleure sur son enfant ! Et Asta demeure impuissante et ne trouve rien à répondre à cet homme qui, en pleurant des larmes de sang, ne sait pas encore regretter son fils mieux qu’il ne l’a aimé.

Il se plaît à rappeler à la jeune fille que, si elle eût été un garçon, elle se fût nommée Eyolf, qu’elle prenait ce nom quand elle se travestissait ; il est heureux de confondre dans la même appellation ces deux êtres qu’il n’a jamais aimés que pour soi, et qui avaient tous deux leur destin en dehors de lui.

Et pourtant cet homme qui ne sait pas, ou ne veut pas, voir les choses telles qu’elles sont est sur le chemin de la vérité. C’est lui, le chimérique, qui fait avouer à sa femme qu’ils sont l’un et l’autre des enfants de la terre, obligés d’accepter la réalité et de s’y conformer, et incapables de tout en dehors d’elle.


Allmers (la scrutant du regard). … Si tu pouvais suivre Eyolf, là où il est maintenant ?

Rita. — Oui. Eh bien ?

Allmers. — Si tu avais la cerlitude de le relrouver, de le reconnaître, de le compre11dre ?

Rita. — Oui, oui ; Eh bien ?

Allmers. — Voudrais-tu, pour le rejoindre, faire le grand saut ? Quitter volontairement tout ce qui t’entoure ? Dire adieu à la vie terrestre ? Le voudrais-tu, Rita ?

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Rita. — Je le voudrais bien. Oh ! oui ! Mais…

Allmers. —Allons !