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LE THÉATRE D’IBSEN

Allmers. — Pourquoi l’aurais-je fait, sans cela ?

Rita. — Parce que tu commençais à douter de toi-même, de ta grande vocation.

Allmers (la, scrutant du regard). — As-tu vrai1uent cru remarquer cela ?

Rita. — Oui, peu à peu. Alors, pour remplir ta vie, il t’a fallu chercher u11 nouveau but. Il paraît que je ne te suffisais plus 1[1].


Dès qu’Allmers entre en contact avec la réalité, il s’égare et la corrompt. Il ne comprend la valeur d’une chose qu’après l’avoir perdue, et il est destiné à perdre tout ce qu’il approche parce que l’atmosphère dans laquelle il vit n’est pas viable. Et c’est ainsi que la Fatalité lui reprendra le petit Eyolf.

Elle apparaît sous la forme de la Femme aux rats, personnage de légende depuis longtemps populaire dans les pays du Nord. Celle-ci a pour fonction de débarrasser la contrée des animaux invisibles ; elle exerce une sorte de fascination sur ce qui gruge et… ronge, sur tout ce qui est mauvais, et tout ce qui n'est pas viable. Elle charn1e les petites })êtes au son de sa guimbarde et les attire vers les rivières où elles se noient. Les vieux contes disent qu’elle a parfois de même attiré les enfants, et elle-même raconte comment, étant jeune, elle a mené au fond de l’eau son bien-aime.

L’incident se place au moment d’une sombre explication entre Allmers et Rita. Rita est jalouse d’Asta, jalouse d’Eyolf qui occupe à présent toutes les pensées. de son mari, elle les unit tous deux dans un même sentiment de rancune et, dans sa folie de dou-

  1. 1. Acte II, traduction du comte Prozor.