Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

 l’autel, et se serroient entre-elles
Comme font en fuyant les promptes colombelles,
Quand un nuage épais noircit le front des cieux,
Et plorant embrassoient les images des dieux.
Si tost donc qu’elle vid, au milieu de ses larmes,
Ce genereux vieillard couvert de jeunes armes,
Quelle fureur (dit-elle) en ton cœur forcenant
T’excite, ô pauvre prince, à t’armer maintenant ?
Où t’emporte à clos yeux l’ardeur de ton courage ?
Helas, nous n’avons plus en ce mortel orage
Besoin de tes secours, non pas quand mon Hector
Au milieu des vivans respireroit encor.
Vien icy despouïller ton insensee envie :
Ou ce commun autel nous tiendra tous en vie,
Ou nous courrons ensemble en un mesme trespas.
Ce dit, elle tira les lents et triste pas
Du vieillard aupres d’elle, et fist là prendre place
Dedans le sacré siege à ses membres de glace.
Mais voila que Polite, un des fils mieux aymez
D’entre tant que ce prince au monde avoit semez,
Echapé de la main du fier Neoptoleme
Fuit au travers des dards et des ennemis mesme,
Tout blessé, tout sanglant par les détours
Des portiques voutez, des salles et des cours.
Pyrrhe ardant de fureur le poursuit et le presse :
Luy tient la mort aux reins, l’en menace sans cesse :
Et ja presque voisin, de la main il l’atteint,
Et son trenchant acier en ses veines reteint :
Tant que quand le chetif parvient devant la face
De ses tristes parens, il tombe sur la place
Tout transpercé de coups, et par terre estendu
Va respandant sa vie en son sang espandu.
Icy le pauvre pere, encor mesme qu’il voye
Qu’à la mort asseuree il va servir de proye,