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transmission, en l’ayant fait naître poète, lui obscurcit parfois l’esprit et l’endort ? Oui, c’est cela car,« s’il avait été éveillé jusqu’à ce moment-ci », son esprit, c’est qu’il n’aurait pas « cédé aux instincts délétères, à une époque immémoriale ». Pour avoir voulu, comme le premier homme, goûter aux fruits de l’arbre de la science du bien et du mal, le voici identifié avec l’humanité selon le concept catholique, avec cette humanité dont il assume, dès la première page de son livre, les désastres, les forfaits et la démence.

Son esprit dort. « S’il était bien éveillé toujours à partir de ce moment », il serait bientôt à la vérité « qui peut-être nous entoure avec ses anges pleurant ». « S’il avait toujours été bien éveillé », il voguerait « en pleine sagesse !… Ô pureté, pureté » !

Il ne sait plus parler. Il ne veut plus parler. Car parler comme parlent les autres hommes, à quoi bon ? Il le saurait, certes. Il l’a fait autrefois, et mieux qu’eux ! À présent, il trouve cela stupide


N’y a-t-il pas un supplice réel en ce que, depuis cette déclaration de la science, le christianisme, l’homme se joue[1], se prouve des évidences, se gonfle du plaisir de répéter ces preuves, et ne vit que

  1. Souligné par Rimbaud.