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— j’avais de plus en plus faim de sa bonté. Avec ses baisers et ses étreintes amies, c’était bien un ciel, un sombre ciel, où j’entrais, et où j’aurais voulu être laissée, pauvre, sourde, muette, aveugle. Déjà j’en prenais l’habitude. Je nous voyais comme deux bons enfants, libres de se promener dans le Paradis de tristesse. Nous nous accordions. Bien émus, nous travaillions ensemble. Mais, après une pénétrante caresse, il disait « Comme ça te paraîtra drôle, quand je n’y serai plus, ce par quoi tu as passé. Quand tu n’auras plus mes bras sous ton cou, ni mon cœur pour t’y reposer, ni cette bouche sur tes yeux. Parce qu’il faudra que je m’en aille, très loin, un jour. Puis il faut que j’en aide d’autres : c’est mon devoir. Quoique ce ne soit guère ragoûtant… chère âme... » Tout de suite, je me pressentais, lui parti, en proie au vertige, précipitée dans l’ombre la plus affreuse : la mort.


(Comme cette dernière phrase restitue bien la psychologie de Verlaine à Bruxelles, au moment des coups de revolver !)


Dans Jadis et Naguère, on trouve encore un sonnet de protestation, cette fois plus véhémente, le Poète et la Muse, sonnet composé après 1875 et dans lequel, ayant de réaliste façon, décrit, aux deux quatrains, sa cohabitation avec Rimbaud, Verlaine place ces tercets :