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VIES II


Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé ; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l’amour. À présent, gentilhomme d’une campagne maigre au ciel sobre, j’essaie de m’émouvoir au souvenir de l’enfance mendiante, de l’apprentissage ou de l’arrivée en sabots, des polémiques, des cinq ou six veuvages et de quelques noces où ma forte tête m’empêcha de monter au diapason des camarades-Je ne regrette pas ma vieille part de gaîté divine : l’air sobre de cette aigre campagne alimente fort activement mon atroce scepticisme. Mais comme ce scepticisme ne peut désormais être mis en œuvre, et que, d’ailleurs, je suis dévoué à un trouble nouveau, — j’attends de devenir un très méchant fou.


Vers la fin de mai, un rapprochement se produisit avec Verlaine. Celui-ci, quittant l’Angleterre, était venu achever sa convalescence à Jéhonville (Ardennes belges), chez une tante paternelle, et, de là, il avait correspondu avec son ami.

Rimbaud, obligé pour le rejoindre de passer par Mézières-Charleville, alla d’abord rendre visite à son fidèle camarade de collège, Ernest