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sobre naturellement, et sans besoins de luxe matériel. En outre de ses petits gains de professeur et des solidarités de Verlaine, il avait l’argent mis par sa mère à sa disposition et il était assuré de trouver toujours près d’elle, quoi qu’il arrivât, un cordial et substantiel refuge.

Ce serait plutôt dans le domaine de la conscience pratique s’éveillant, et aussi parmi des phénomènes patho-physiologiques, qu’il conviendrait de rechercher les déterminantes de ce singulier état mental d’adolescent.

Londres, au point de vue de la possibilité de vivre dans le siècle, loin de déprimer le jeune homme, lui a, au contraire, ouvert les yeux. De cette énorme cité où, parmi un féroce mouvement, l’on vit comme dans un désert froid et silencieux, il regarde avec colère les traîtrises que, sous son tumulte gracieux, cache Paris. La calomnie à son égard s’y poursuit, et l’écho lui en est apporté par les correspondants de son ami. Les gens qu’il a naguère si juvénilement bafoués — il commence à s’en rendre compte — ne lui pardonneront jamais ses imprudences ; ils s’opposeront, de toute la noirceur accumulée de leurs rancunes, à ce que son génie, du reste incompris d’eux, arrive à la lumière. Et lui, qui jusqu’alors a dédaigné la sottise et la diffamation, sent qu’à cause d’elles son avenir littéraire