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titutions sociales, dans de la mystification aussi, dans de l’ivresse, joyeusement, follement. Rimbaud, voyageur-né, se voyait pour la première fois à même de satisfaire aisément sa passion locomotrice, ainsi que son avidité d’impressions nouvelles ; son compagnon, très sensitif et d’habitudes plutôt sédentaires, se trouvait pour la première fois engagé dans un vagabondage ardent, au cours duquel se succédaient des sites de caractères les plus divers, souvent les plus opposés, et de la beauté mystique desquels le visionnaire lui faisait prendre conscience. On conçoit le bonheur que ce fut pour de tels poètes ; pour Verlaine surtout, dont les aspirations avaient été jusqu’ici contenues par les exigences civiles et dépravées et étriquées par le milieu parisien des cafés littéraires et politiques de la fin du second Empire.

Pourtant Rimbaud, parmi cette fête pour son énorme curiosité, ne laissait pas de se préoccuper de moyens pratiques d’existence. Il était de ceux qui, par leur organisation musculaire et leur éducation, ne se dérobent à aucun travail. Aux heures de calme, il se reprochait sans doute d’être pécuniairement une charge pour son ami. Celui-ci, l’insouciance même sous le rapport budgétaire, protestait bien quand la délicatesse du jeune homme s’ouvrait de ses préoccupations.