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lantes et la Bonne Chanson le faisaient reculer prudemment devant une modification aussi violente de la prosodie. Aussi bien, ne s’assimila-t-il les théories de son ami que dans la mesure où elles pouvaient lui fournir encore plus d’adresse et d’originalité ; et il se trouve que, pour si peu qu’il s’en soit assimilé, cela suffit pour faire de lui un chef d’école et un grand lyrique. Dans son Art poétique, auquel il a été déjà fait allusion plus haut, il nous a donné la nomenclature des réformes acceptées. Elles s’adaptent merveilleusement à sa nature de souplesse et de douceur félines. — Il lui faut de la musique avant toute chose, des romances sans paroles en un mot. Pour arriver à ce résultat, il emploiera de préférence, comme son maître actuel, le nombre impair ; mais ses vers resteront symétriques. Il choisira des termes, non pas hallucinés, mais imprécis, équivoques, donnant lieu à la méprise il préférera la nuance à la couleur, bannira l’ironie, évitera la rhétorique et la rime riche. Et il conclut par une description générale du vers où il est impossible à toute intelligence loyale de ne pas reconnaître l’inspiration de Rimbaud :

Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.