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traditionnels pour la plupart, ne pouvaient plus contenir ou loger à l’aise la somme de vie lyrique qu’entendait promouvoir Rimbaud. Il nous a dit qu’il trouvait alors dérisoires les célébrités de la poésie moderne, depuis Victor Hugo jusqu’à y compris Catulle Mendès, et qu’il préférait à cette poésie la littérature démodée, les contes de fées et la chanson populaire. Après avoir inventé la couleur des voyelles, il lui fallait « régler la forme et le mouvement de chaque consonne » et, étant ainsi maître de l’assonance et de l’allitération, chercher, dans son instinct, de nouveaux rythmes. Nous savons bien qu’il se moquera plus tard, bientôt, — quelle est celle de ses créations dont cet esprit si vertigineusement évolutif ne se gaussera pas ? — de ces ambitions littéraires ; mais il les eut en toute fermeté de conviction et les réalisa dans une mesure plus grande qu’il ne devait le croire lui-même. Il parvenait, dit Verlaine, à des miracles « de ténuité, de flou vrai, de charmant presque inappréciable à force d’être grêle et fluet ». Cela est vrai, si l’on ne considère que l’extérieur, l’immédiatement appréciable de poèmes tels que Éternité et Chanson de la plus haute Tour ; mais si l’on s’attache au fond, on s’aperçoit qu’ils sont, au contraire, d’une singulière intensité de pensée et d’une terrible précia’ion verbale.