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employant les façons de spontanéité capables de toucher cet héroïque et farouche cœur. Puis, l’on s’en fut trouver Charles Cros et André Gill. Ceux-ci avisèrent, Verlaine les ayant quittés ; et ils décidèrent d’aller soumettre le cas à Théodore de Banville, leur aîné et leur maître.


L’accueil du poète des Exilés fut charmant. Il fit d’abord remarquer à ses visiteurs — nous racontons ceci d’après Stéphane Mallarmé[1], le tenant de Banville lui-même — que pour faire, comme ils disaient, du grand art, une chambre vant tout était nécessaire ; et il la loua aussitôt dans les combles de la maison habitée par lui, rue de Buci. Ensuite, madame de Banville meubla cette chambre d’un lit, d’une chaise, d’une table sur laquelle on prit soin de mettre du papier, de l’encre et des plumes. Et Rimbaud, un soir, vint s’y installer.

Les nuits précédentes, il avait couché dans les garnis ignobles environnant la place Maubert. Devant le lit immaculé, il fut saisi du scrupule d’y laisser traces de sa misère. Se dépouillant des lambeaux sordides qui le couvraient si mal, il en fit un paquet et les lança par dessus le toit en face

  1. Voir : Divagations, Fasquelle, édit.