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Combien de jours resta-t-il ainsi de nouveau sans gîte, sans pain, en contact avec les pires misères citadines ? Nous ne saurions le dire au juste. Nous savons seulement, par ce que nous en a confié un jour Verlaine, que lorsque celui-ci, alarmé, plein de remords au sujet de la disparition de Rimbaud, et s’étant mis du reste à sa recherche, le rencontra par hasard dans la rue, sa bonne mine avait disparu. Il était hâve, haillonneux, couvert de vermine, et, mourant de faim et de froid, il se proposait de retourner à pied auprès de sa mère. L’on eût dit que la boue l’avait encore fait grandir ! Ses habits souillés et déchirés paraissaient à présent trop petits. Toute sa personne d enfance calamiteuse et géante revêtait un aspect fantastique. C’était un ange de Memling dans les guenilles d’un Callot.


Je me revois — écrira-t-il dans Une Saison en Enfer au souvenir de cette détresse — la peau rongée par la boue et la peste, des vers plein les cheveux et les aisselles et encore de plus gros vers dans le cœur, étendu parmi les inconnus sans âge, sans sentiment… J’aurais pu y mourir… L’affreuse évocation ! J’exècre la misère.


Très ému de ce spectacle, Verlaine emmena tout de suite le miséreux se réconforter, en y