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jours de griserie, de poignées de mains qui réchauffent, de sourires qui font du bien, de vieille routine, de vues animées, de promenades, de gazoline… Me voilà rassasié, déjà triste… Il me faut l’espace, la montagne, les arômes de la forêt, les lacs, tu sais, le matin, quand tout recommence à vivre… Ils me tiennent bien, va !…

— Tes parents, qu’en disent-ils ?

— Ils s’aperçoivent bien que ma gaîté diminue chaque jour… Ils préfèrent me savoir joyeux là-bas. Je ne me fatigue pas d’eux, mon âme est ailleurs… Je veux réagir, c’est impossible. Quelque chose m’appelle, j’écoute…

— Ravi ?

— Ennuyé de ne plus l’être.

— Et ils pardonnent, parce que tu leur dois ton intelligence et ton cœur…

— Mais tu ne les connais pas, Jean !

— Oui, Paul, ils t’ont compris, n’est-ce pas assez ? Te comprendre, n’est-ce pas être un peu digne de toi ? As-tu des objections, mon ami ?

— Je proteste ! Je ne mérite pas qu’on soit digne de moi.

— S’il fallait attendre que tu l’admettes pour savoir ce que tu vaux, tu aurais le temps…

— De ne plus rien valoir du tout ! railla Paul Garneau, pour faire dévier la conversation.

— Mais nous sommes là, nous savons !…