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che pas les arbres d’être silencieux dans l’ombre. Il descend du ciel et des étoiles une mélancolie douce comme une rosée d’amour…

Jean remonte la Grande Allée. Il cause avec Paul Garneau, un ingénieur forestier, très-intelligent, presque son ami. Ils vivaient trop peu dans l’intimité l’un de l’autre pour s’aimer comme des frères, mais leurs âmes s’attiraient, devinaient qu’elles auraient pu se rejoindre plus profondément en elles-mêmes, si la vie leur eût prodigué l’occasion de vibrer ensemble. Des causeries espacées, un frisson d’art qu’ils avaient partagé quelquefois au concert, une émotion plus fine qu’ils n’avaient pas craint de s’avouer, maints silences dont le prolongement n’eut, rien de pénible, n’était-ce pas assez pour que se fussent nouées quelques attaches entre eux ?

— Je n’aime pas la foule, disait Paul. Elle me gêne, elle m’étouffe…

— Je sais, elle te donne la nostalgie des grands bois… Ils épouvantent, quand nous ne les connaissons pas ; nous les aimons, quand ils nous ont initiés à leur solitude, à leur mystère.

— Je crois que c’est cela. J’y suis tellement heureux… Il n’arrive pas que j’en revienne, toutefois, sang espérer que la ville ne me ressaisisse, ne me les fasse oublier quelque temps. Ah, ils me tiennent bien ! je t’assure. Deux ou trois