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de la gorge haletante des orateurs vers Dieu, la langue d’autrefois, pure et victorieuse, la langue de toujours !… À travers les rangs de ces milliers d’hommes et de femmes recueillis et parfois transfigurés, de poitrine en poitrine elle faisait courir des brises tantôt douces ineffablement, tantôt saturées des parfums enivrants du triomphe, et l’on aurait dit que tous les cœurs, au moment de certains silences grandioses, devenaient un seul cœur, le cœur gonflé de toute une race qui pleure de reconnaissance et de joie ! Comme elle vivait et gardait conscience d’elle-même, comme elle se sentait de la moelle et de l’énergie devant l’avenir, cette race française d’Amérique ! Sans peur et sans menaces, elle affirmait sa gloire et son besoin de vivre !

Et ces flots d’espérance roulaient Jean dans leurs profondeurs. Il ne se reconnut plus, il ignorait qu’une telle puissance d’émotion fut latente aux sources de lui-même. Certaines paroles agitèrent en lui des échos dont la voix inconnue le bouleversait. Quelque chose de mystérieux, aux confins les plus reculés de son être, s’attendrissait, faisait monter à son cœur des larmes nouvelles. Il fut même secoué par ces rares élans de bonté qui ne sont presque plus humains à force d’être immenses. Plus étranges et profonds que ceux dont lui était demeuré le souvenir, ceux-ci