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Jean s’avive : c’est lui qui a rompu la tranquillité de son amour et dont les réticences ont exaspéré ses nerfs, avant le dîner. Lucien est le même, c’est elle qui ne le voit plus qu’à travers le clair-obscur troublant que lui a dépeint son frère. Malgré elle, son esprit lutte, oscille entre la foi la plus invincible et les doutes qui tout-à-coup l’empoignent. Qu’ils sont affreux, ces doutes, et qu’ils irritent ! Qu’il a été maladroit, ce Jean, cet intrus dans son bonheur ! Avait-elle besoin de ces conseils incommodes ? Sans eux et sans lui, elle n’aurait pas, sans avoir eu le temps de soupçonner même leur indélicatesse et leur gravité, proféré de telles paroles difficiles à reprendre. L’amour est souvent à la merci des querelles anodines : celle-ci pourrait dénouer la tendresse qu’ils ont l’un pour l’autre… Il faut que, par des flatteries et des sourires, elle répare, elle fasse oublier…

Toutes ces réflexions d’Yvonne, alors que le silence entre eux s’alourdit, ne diminuent pas la perplexité de Lucien. Il n’y comprend rien, il est comme hébété. Quel est le mystère de cette humeur tracassière ? Est-elle réellement jalouse ? Mais elle n’a pas de motif soutenable de l’être, il ne se reproche aucune manœuvre infidèle qu’elle puisse lui jeter à la figure. Il n’a jamais été aussi constant, aussi religieusement assidu