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presque royale indifférence, un mépris toujours grandissant…

La certitude qu’il aimait ne put s’aviver eu l’âme de Jean sans que l’obsédât le souci d’y rendre Gaspard sympathique. Mais outre la prétention surabondante qu’il n’ignorait pas, n’y avait-il pas l’obstination à laisser croupir dans l’oubli le projet d’action patriotique ? Plusieurs mois s’enfuirent à tire-d’aile et le père, habile, se tenait loin de toute allusion même au plaidoyer du fils pour la race. Ne fallait-il pas, surtout, battre en brèche et abolir ce périlleux antagonisme entre les classes, entre les parvenus et les modestes ? L’industriel s’empressant de méconnaître et de refuser la tâche de fraternité, Jean augura que Gaspard se camperait, despotique et agressif, entre Lucile et lui…

Aussi, Jean se torturait-il. Plus son amour l’empoignait, s’identifiait à la vie même et plus la nécessité, d’y faire consentir le père le harcelait, plus il vacillait en face de la décision à prendre. Non pas qu’il fût dénué d’assurance virile en lui-même : une énergie tenace lui circulait dans les veines. Il s’attendait, comme à un destin lié aux circonstances et à la nature exaltée de Gaspard, à un refus rude, inflexible. Et les conséquences l’en terrifiaient, le pétrifiaient à l’avance. Comment franchir un ultimatum de celui