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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

d’une sympathie organisée, féconde, entre les groupes de la race ? La conviction patriotique issue des émotions nouvelles au Congrès, des réflexions ardues et pénétrantes, des certitudes acquises, ne perdait rien de sa fermeté, de son espérance. Mais l’amour croissait, devenait exclusif, atténuait le reste en l’âme de Jean. L’image de Lucile, constante, radieuse, éloignait les autres pensées, les autres souvenirs. Comment l’avait-elle jusqu’ici peu frappé, la relation rigoureuse entre le rêve patriotique et la grande tendresse ? Elle aurait lieu sous la poussée de l’amour, l’entente des classes, l’unité de la race, l’envolée prodigieuse vers la force et la gloire. Ah ! que cela devint lumineux, sûr, infaillible, parce que son propre amour illuminait Jean, l’inondait lui-même de dévouement, de pitié, de vaillance !…

Depuis lors, avec une affection renouvelée, moins impulsive et aveugle, plus consciente et intuitive, il chérit Lucile vraiment, d’un élan supérieur. Il eut l’obsession de ne pas l’avoir aimée, il en eut de la peine étrange qui dura. Il aurait voulu toujours l’avoir estimée, ennoblie ainsi, ne l’avoir jamais abaissée de la hauteur de son orgueil et des préjugés infimes. Animée par de tels regrets, fortifiée par l’ardeur plus vive, par la certitude, par l’adhésion claire de la volonté,