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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

Peu absorbantes, ces réflexions rapides lui ont permis de suivre l’entretien.

— La science ne tarit pas le cœur, a-t-il dit. Je puis l’aimer sans que ma tendresse pour toi y perde en vigueur et en sincérité…

— Des reproches ? Je t’ai négligé, c’est vrai, mais tu en es responsable ! Tu n’as pas cessé d’être le bon, l’incomparable frère que je respecte et que j’adore. Mais la médecine grave et sèche t’a métamorphosé. Parfois, tu as le visage si austère que tu me rappelles ces formidables savants qui ont de grosses lunettes, le crâne reluisant…

— Et la science !…

— Mais tu en as de reste, tu en as trop, puisque tu m’effrayes…

— Autant que cela, vraiment ? voilà l’unique raison d’être moins expansive ? L’étude m’a sculpté la physionomie en forme d’épouvantail ? Allons, ma petite Yvonne, trêve de badinages, et soyons francs. Tu ne m’as pas fait de confidences, tout simplement parce que tu n’en avais pas à me faire. La vie mondaine l’a si bien enchaînée, que ton âme n’en a plus assez grand de libre pour réfléchir et rêver…

— Depuis quand est-il nécessaire de rêver ?…

— Tu ne l’ignorais pas, il y a si peu longtemps encore : depuis qu’il y a des cœurs larges et de