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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

moi, et je ne suis pas toujours grave comme un jour lugubre d’automne, fit-elle vivement.

— Tu ne te fâchais pas comme cela autrefois, ma petite Yvonne…

— Autrefois, tu ne me piquais pas au vif. Tu me blesses, je crie que ça fait mal, voilà tout… Dusses-tu t’évanouir encore de surprise, je te répète que j’ai lu dans un magazine américain…

— Ah ! je ne m’étonne plus !…

— Veux-tu que je te dise ce que je pense ?

— Je l’exige !

— Eh bien, tu n’es pas charmant, quand tu railles ainsi… plus que cela, tu me fais de la peine… et…

— Vrai ? c’est l’Yvonne d’autrefois que je retrouve ? Ton cœur est bien là, toujours secoué de battements affectueux ? Je croyais qu’on l’avait changé ou refroidi. La vie mondaine t’a prise presque totale, il faut ne pas y être expansive et le cœur se dessèche à ne jamais jaillir… La source du tien n’est pas encore tarie, puisque j’ai entendu couler une larme. La solitude aigrit souvent : me pardonnes-tu d’être barbare ?…

— J’ai lu, dans un magazine américain, souligna-t-elle, d’une voix tendre et qui pardonnait, que les brahmines hindous se renferment si profondément dans leurs songes qu’ils semblent ne plus être que des statues, oui, du marbre pen-