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CE QUE DISAIT LA FLAMME...

perait. Servile, elle tendait le cou à l’épreuve : elle serait violente, horrible, déchirante, elle venait, elle accourait… Les terreurs s’affermirent, les appréhensions accrurent, la tristesse s’appesantit. Lucien, méthodique, désinvolte et souriant, se dégageait, s’affranchissait, s’assurait l’existence de mari très indépendant qui était son droit. Yvonne déférait à tout, courbait sous les prétextes, vaincue par une nécessité dont elle était la servante. Il lui paraissait anormal que, si combative, elle se laissât enchaîner si aisément. Devant le sans-gêne et la mielleuse insolence du mari qui désertait, elle éprouvait une frayeur indicible, un besoin de servilisme contre lequel elle ne s’irritait pas. Aucune vague de jalousie ne lui montait de l’âme : elle défaillait sous une torture plus digne, plus ineffable. La tendresse pour Lucien, approfondie jusqu’aux sources les plus généreuses de l’être par la souffrance, la lui gardait soumise…

Elle s’aggrava, la sensation d’esclavage, de douleur passive, jusqu’à l’heure où il fut impossible de l’endurer. Voilà pourquoi, ce soir, Yvonne s’insurge, tâche avec bravoure de ressaisir le bonheur. Elle a hésité avant de se plaindre, elle s’épouvantait du combat à soutenir. Puis, se rappelant de quelle vilaine légèreté Lucien la négligeait, de la fureur lui avait incendié les