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CE QUE DISAIT LA FLAMME...

tenait même pour eux de l’indulgence et une sorte de gratitude : ils lui donnaient l’assurance de ne pas connaître cette ferveur romanesque dont elle avait l’effroi.

Elle ne pouvait, tout de même, interdire à un pressentiment sourd et taquin l’accès de son âme : il tourmentait, insistait, discret, pénible à définir. Dès qu’elle se proposait de le saisir et de lutter contre lui, il s’esquivait, timide. Et cependant, il avait de la force, puisqu’il vivait en elle et parlait. Il prédisait des choses désagréables, presque lugubres. En dépit de sa constance, la menace demeurait confuse. Yvonne, à cause de cela, négligea de l’entendre. Au jour du mariage, elle ne ressentit pas de crainte ou de tristesse, elle prit une victorieuse possession du bonheur qu’elle avait elle-même voulu…

Quelques semaines avant les noces, le projet d’aller faire en Europe le voyage coutumier des nouveaux époux fut délaissé. Lucien condescendit au souhait d’Yvonne : la tendresse de celle-ci, avivée depuis quelque temps, sa tendresse profonde exigeait quelque chose d’intime et d’apaisé, redoutait les distractions et la fièvre d’un grand voyage. Ils firent, gentils, recueillis et badins, autour de la Baie des Chaleurs, une excursion radieuse que volontiers ils prolongèrent. Les alarmes vagues de la jeune