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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

que le destin la rivait à lui, qu’elle devait lui rester loyale et indulgente, miséricordieuse et tendre sans mesure. L’immense bonté venue en elle se pencha vers lui…

Yvonne l’excusa, ne le méprisa pas. Elle ne le chérit qu’avec plus de force et d’apaisement. Ce qu’elle discernait de sa légèreté, de son égoïsme, loin de lui être détestable, la charmait en quelque sorte, parce qu’à ne pas le haïr, elle était plus sûre, plus énorgueillie de sa tendresse. Depuis que son amitié s’exaltait, s’élevait ainsi, peu à peu se délivrait de ce qu’un jour elle avait contenu de trop frivole ou de trop instinctif, depuis quelques semaines donc, elle fut souvent déchirée par l’hésitation. Son cœur, en effet, se serrait de peine lorsque, délibérant avec elle-même, elle discutait si elle devait communiquer à Lucien l’ambition prodigieuse ou le tenir dans l’ignorance. Jusqu’au jour où elle aurait un ascendant plus énergique sur la volonté du jeune homme ? Pourquoi ne se modifierait-il pas selon le bouleversement dont elle-même avait été secouée, changée ? Pourquoi ne franchirait-il pas l’étape de l’amour subalterne à la passion magnifique et généreuse ? Pour elle, pour qu’il devînt plus digne, de plus en plus homme de cœur et de beauté, pourquoi ne fournirait-il pas à sa race un peu d’âme et de talent ? Elle désire