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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

trant, la hantèrent, la désespèrent. L’intuition qu’elles avaient touché juste lui fit mal. Ce nouveau malaise était plus difficile à refouler que l’autre antérieur dont elle avait néanmoins quelque peu gardé l’empreinte amère, il empoignait ferme. Tout le jour où il s’attacha en elle, une douleur lancinante fouilla son cœur. Le soir même, se tint la causerie mouvementée, si austère et prenante à la fin, entre Gaspard Fontaine et ses deux enfants. Yvonne, au moment où elle s’encadra au milieu de la porte et rompit le colloque du père et du fils, étincelait de malice et d’espièglerie. C’est que, tout-à-coup saisie par l’un de ces revers d’humeur propres aux femmes très sensibles qu’exaspère trop de joie ou de souffrance, elle avait réagi malgré elle, selon une poussée inévitable de l’âme profonde. L’instinct de s’amuser, de s’étourdir beaucoup, lui dicta des railleries, la violenta d’éclats de rires. Un relent d’aigreur contre son frère enivra son cerveau. Mais Jean, si résolu, si clément, si irrésistible, versa de la douceur aux nerfs douloureux. Elle s’attendrit. Elle ne fut plus arrogante et bourrue, elle écouta d’un esprit dompté, avec une émotion ramassée et soumise. Du langage de son frère, il émanait une lucidité parfaite, attirante comme la pureté des sources : Yvonne s’abreuva d’idéal et de certitude. Les