tie, plus que cela, notifiée par des chuchotements d’amies. Aux unes qu’elle redoutait, elle affirma que l’attraction du beau Lucien ne l’avait pas étourdie ; aux autres, dont elle se croyait l’égale, elle déclara nettement qu’elle était capable d’avironner sa barque sans qu’on vînt se mettre au gouvernail. Elle ne s’en amusa que davantage à tenter la mise en cage de l’oiseau vagabond. Quelques jeunes filles, mordues au vif par la jalousie, éclatèrent en commérages d’indignation, remirent à flots les aventures de Lucien que l’oubli avait submergées. Yvonne, son orgueil de femme aiguillonné, résolut de se faire aimer…
C’est elle, à force de feindre l’amour, qui fut domptée par l’amour. Elle en est positive, elle aime Lucien Desloges. Il y a déjà plusieurs semaines qu’elle s’en faisait l’aveu irrésistible, lorsque, le dimanche précédent, il a fait sa déclaration avec une suavité impeccable. Elle y a cru de tout l’élan de sa vanité assouvie : fière de son triomphe, elle ne vit, depuis lors, que pour se réjouir et papillonner.
Plusieurs fois, cependant, elle a été sur le point d’initier Jean à son bonheur. Un scrupule invincible l’en a toujours dissuadée. Elle a pressenti qu’il ne lui pardonnerait pas cet amour tramé sans lui, à la dérobée du conseil fraternel. Ce