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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

tion impétueuse, indéniable. En dépit de leur emphase, la jeune fille a tressailli de joie à cette flatterie. À l’idée que Lucien, parce qu’il est chéri d’elle, a des ennemis presque sûrs, elle est comblée, elle exulte. Un contentement si vif ne va pas sans un repentir plus aigu d’avoir été maussade, querelleuse, détestable. Afin de cacher un peu tant de satisfaction, elle élude le madrigal :

— Quand il s’agit de femmes, est-ce d’ennemis qu’il faut parler ? dit-elle, enjôleuse.

— Vous préférez qu’on les appelle des rivaux ?

— C’est moins terrible, moins lugubre, moins solennel, moins romanesque…

— Mais, au fond, c’est la même chose !

— Tiens, vous êtes romanesque ! s’exclama-t-elle, riant éperdument, sans qu’il y eût toutefois de la dissonance vulgaire en l’accès de plaisir.

— C’est bien vous, cela, Yvonne ! Quand faites-vous la réponse à laquelle il est normal de s’attendre ? Il n’y a rien de plus déconcertant, de plus fantaisiste que votre manière d’avoir l’esprit présent. Je ne m’y habitue pas. C’est trompeur et stupéfiant, mais c’est charmant !

— Mais c’est vous qui vous trompez, car je ne vous trompe pas, je vous l’assure !… Au contraire, je fais de mon mieux pour être claire et franche.